D’où vient la sensibilité d’un photographe ? Comme se forme son écriture ? L’entretien que le photographe portugais Paulo Nozolino a accordé à Yannick Le Guillanton donne sans doute quelques réponses. Ses images sont des formes poétiques, des formes symboliques, puissantes, radicales. Elles disent la brutalité de l’existence, elles montrent son effroyable banalité. Elles parlent de la même manière des vivants et des morts. Elles sont anguleuses. Elles sont la noirceur sous un soleil de plomb. Elles sont une fente dans laquelle s’engouffrer.
L’art photographique est un art du silence, et, dans la contemplation des choses simples, dans la verticalité de l’image, il n’offre aucune échappatoire, aucune ligne de fuite. Rien ne vient contrecarrer sa volonté d’aller à l’essentiel. Vous ne pourrez pas vous attarder sur l’inutile.
Inspiré de l’anticonformisme anglais de sa jeunesse à Londres, de la peinture d’un Francis Bacon, d’un Caravage ou du retable d’Issenheim, guidé par les mots d’un Stephan Sweig ou d’un Hugo von Hofmannsthal, et porté par la photographie de son ami Robert Frank, l’art de Paulo Nozolino, fait de noirs charbonneux et de blancs aveuglants, est une plongée vertigineuse vers ce qui nous rattache au monde d’après. La mort est là, qui rôde…
« J’ai horreur de ce qui est trop visible, trop évident. J’ai horreur de l’évidence. L’image doit me faire réfléchir, elle doit être ambiguë. Il faut qu’elle pose des questions, qu’elle donne un coup de poing. » — Paulo Nozolino
« Et pourquoi les couleurs ne seraient-elles pas soeurs des douleurs, puisque les unes et les autres nous attirent dans l’éternel ? » — Hugo von Hofmannsthal